Algue moutarde : l’invitée sournoise qui trouble vos eaux cristallines
Vous avez tout bien fait : filtration qui tourne, chlore dans les clous, eau limpide… et pourtant, une poussière jaune se dépose au fond de votre bassin. Vous aspirez, elle revient. Vous brossez, elle s’étale. Bienvenue dans le monde (un peu agaçant) de l’algue moutarde.
Cette algue fine, jaune à brunâtre, adore se faire passer pour du simple pollen ou de la poussière. Et c’est justement là qu’elle est redoutable : on la sous-estime, on la laisse s’installer… et en quelques jours, l’eau perd sa transparence.
La bonne nouvelle ? On peut la vaincre. Mais il faut la prendre pour ce qu’elle est : une coriace. Pas une petite algue verte de début de saison.
Reconnaître l’algue moutarde : poussière ou véritable envahisseuse ?
Avant de dégainer les produits, il faut être sûr de son diagnostic. L’algue moutarde a quelques signatures bien à elle.
Ses caractéristiques typiques :
- Couleur : jaune pâle à brun, parfois tirant vers le moutarde ou l’ocre.
- Aspect : très fine, comme de la farine ou du talc déposé au fond.
- Comportement : au moindre mouvement, elle se soulève et se disperse dans l’eau.
- Localization : souvent au fond, sur les parois peu brassées, dans les angles, sous l’échelle, derrière les échelles ou dans les zones d’ombre.
Une petite astuce de terrain : un matin, alors que ma filtration tournait depuis l’aube, je trouvais toujours la même poussière jaune dans un angle, près d’un massif de laurier. Test simple : j’ai brossé la zone, laissé reposer 30 minutes. La poussière est revenue exactement au même endroit. Pollen ? Non. Algue moutarde en pleine installation.
Pour faire la différence avec le pollen ou la poussière :
- Le pollen flotte souvent en surface avant de couler.
- Il ne se réinstalle pas aussi vite après une bonne aspiration à l’égout.
- L’algue moutarde, elle, revient en 24 à 48 heures si elle n’est pas traitée chimiquement.
Pourquoi l’algue moutarde résiste autant aux traitements classiques ?
Ce qui rend l’algue moutarde pénible, ce n’est pas seulement son look de poussière. C’est sa capacité à résister aux traitements courants et à se cacher.
En pratique :
- Elle forme une sorte de biofilm protecteur sur les parois.
- Elle se niche dans les recoins mal brassés : skimmers, joints, escaliers, panier d’écume, dos des projecteurs.
- Elle supporte assez bien un niveau de chlore bas à « normal ».
Si vous vous contentez d’un « petit coup de chlore choc » sans préparation, vous aurez peut-être une eau transparente quelques jours… puis le voile jaune reviendra. C’est pour ça que tant de propriétaires de piscine ont l’impression de « ne jamais s’en sortir ».
Plan d’attaque : les étapes clés pour éliminer l’algue moutarde
Pour vraiment s’en débarrasser, il faut cumuler action mécanique, chimie ciblée et nettoyage global du bassin et des équipements. Voici la stratégie que j’applique chez moi et que je recommande.
Préparation du bassin : mettre toutes les chances de votre côté
Avant même d’ouvrir un seau de chlore, préparez le terrain. C’est là que se joue 50 % de la victoire.
1. Équilibrer le pH
Visez un pH entre 7,0 et 7,2. Un pH légèrement bas rend le chlore plus efficace.
- Si le pH est trop haut (> 7,4), utilisez un pH- (acide) selon la notice.
- Vérifiez à nouveau le pH 2 heures plus tard.
2. Nettoyer et brosser à fond
C’est la partie où on se salit les mains, mais croyez-moi, elle change tout.
- Brossez toutes les parois, le fond, les escaliers, la ligne d’eau.
- Soulevez bien l’algue moutarde pour la mettre en suspension, même si l’eau devient trouble sur le moment.
- Nettoyez les skimmers, paniers, margelles en contact avec l’eau.
Un dimanche matin de juillet, j’ai passé plus de temps à quatre pattes sur la plage de la piscine qu’à boire mon café… Mais quand j’ai vu l’efficacité du traitement derrière, je n’ai rien regretté.
3. Lavage et contrôle du filtre
Un filtre saturé, c’est comme un poumon encrassé : ça brasse, mais ça ne filtre plus grand-chose.
- Faites un contre-lavage (backwash) si vous êtes sur filtre à sable/verre.
- Rincez ensuite pour éviter le retour de saletés dans le bassin.
- Sur cartouche : nettoyez à grande eau, voire faites tremper dans un produit spécifique si elle est très sale.
Traitement choc ciblé algue moutarde : le protocole complet
Une fois le bassin préparé, on passe au cœur du sujet : le choc, mais pas fait n’importe comment.
1. Choisir le bon produit
L’algue moutarde répond mieux à :
- un chlore choc non stabilisé (hypochlorite de calcium),
- ou un traitement spécifique algue moutarde (algicide moutarde) en complément.
2. Sur-doser (raisonnablement) le chlore choc
Suivez les doses indiquées pour un traitement choc… et ajoutez un léger surplus si le fabricant le permet en cas d’algue moutarde (souvent indiqué sur l’étiquette). L’objectif est d’atteindre un taux de chlore libre très élevé, sur une courte période.
3. Faire tourner la filtration en continu
Après ajout du chlore choc :
- Laissez tourner la filtration 24 à 48 heures non-stop.
- Si vous avez une pompe à vitesse variable, optez pour un débit assez fort au début pour bien brasser.
4. Ajouter un anti-algues spécial moutarde
Les anti-algues classiques sont souvent insuffisants. Choisissez un produit qui mentionne clairement « algue moutarde » sur l’étiquette.
- Ajoutez-le quelques heures après le choc (ou selon les recommandations du fabricant).
- Répartissez le produit tout autour du bassin.
5. Surveiller le chlore et le pH
Pendant les 2 jours suivants :
- Contrôlez le chlore : il doit rester bien au-dessus de la valeur normale au début, puis redescendre progressivement.
- Contrôlez le pH : corrigez-le si nécessaire pour rester dans la bonne zone.
Aspiration et nettoyage final : ne laisser aucune chance à la repousse
Après le choc, les algues sont tuées, mais leurs débris sont encore là. Si on les laisse dans le bassin, c’est un buffet à volonté pour les futures algues.
1. Floculation (si besoin)
Si l’eau reste trouble :
- Utilisez un floculant adapté à votre type de filtre.
- Laissez reposer le bassin quelques heures pour que les particules retombent au fond.
2. Aspirer à l’égout (si possible)
C’est une étape souvent négligée, mais capitale pour l’algue moutarde.
- Passez le balai manuel très lentement sur le fond.
- Si votre système le permet, positionnez la vanne sur « égout » pour évacuer les saletés hors du filtre.
- Complétez ensuite le niveau d’eau avec votre robinet (en surveillant la température pour ne pas trop déséquilibrer le bassin).
3. Nouveau lavage du filtre
Après ce gros nettoyage, refaites un contre-lavage du filtre pour évacuer les dernières impuretés et spores éventuelles. Sur cartouche, un bon rinçage s’impose.
Ne pas oublier les équipements : cachettes préférées des algues
Un détail qui fait souvent la différence entre une victoire durable et un retour en force des algues moutarde : les accessoires qui trempent régulièrement dans l’eau.
Pensez à :
- Nettoyer et désinfecter épuisettes, balais, brosses.
- Retirer et brosser les échelles, l’arrière des projecteurs, les escaliers amovibles.
- Laver les jouets de piscine, matelas gonflables, frites en mousse, bouées.
- Si vous avez un robot, nettoyez son sac ou son filtre et laissez-le sécher au soleil.
Un été, j’ai mis deux semaines à comprendre que mon « réservoir à algues » n’était autre que l’intérieur d’un gros matelas gonflable des enfants… stocké à demi gonflé, encore humide, au bord du local technique. Depuis, tout ce qui traîne dans l’eau passe par la case rinçage et séchage.
Gestes de prévention : comment éviter le retour de l’algue moutarde
Une fois le bassin assaini, l’objectif est simple : qu’elle ne revienne plus. La prévention, ce n’est pas de la paranoïa, c’est de l’économie de temps et de produits.
Voici les habitudes qui font la différence :
- Maintenir un taux de chlore stable : ni trop bas, ni en montagnes russes. Utilisez un testeur fiable (bandelettes de qualité ou photomètre).
- Surveiller l’équilibre de l’eau : pH, TAC, TH… Une eau bien équilibrée limite le stress chimique et rend les traitements plus efficaces.
- Filtration suffisante : en saison, visez au minimum la température de l’eau divisée par 2 en heures de filtration (eau à 26°C → environ 13 h/jour).
- Nettoyage régulier des recoins : angles, marches, zone sous l’échelle, ligne d’eau.
- Limiter les apports extérieurs : feuilles, terre, poussière, tonte de pelouse qui vole dans le bassin.
- Couverture ou volet : en dehors des baignades, couvrir le bassin réduit l’arrivée de poussières et de spores d’algues.
Si votre piscine est souvent exposée au vent ou proche de champs, haies, grands arbres, une petite dose d’anti-algues préventif (adaptée au volume du bassin) de temps en temps peut aussi être une bonne assurance.
Algue moutarde et piscine au sel : un cas particulier
Les piscines au sel ne sont pas épargnées. On a parfois l’illusion que l’électrolyse s’occupe de tout, mais l’algue moutarde peut quand même s’installer, surtout si :
- la production de chlore est réglée trop bas,
- le pH est constamment trop élevé,
- la cellule est encrassée ou fatiguée.
En cas d’algue moutarde sur piscine au sel :
- Suivez le même protocole de choc (avec chlore choc non stabilisé).
- Coupez éventuellement l’électrolyse pendant les très hauts niveaux de chlore (selon recommandations du fabricant).
- Nettoyez la cellule si nécessaire.
- Recalibrez la production de chlore une fois la situation revenue à la normale.
Petites questions fréquentes sur l’algue moutarde
Quelques inquiétudes reviennent souvent au bord du bassin. Autant y répondre franchement.
L’algue moutarde est-elle dangereuse pour la santé ?
Chez une personne en bonne santé, elle est surtout désagréable : eau trouble, sensation de piscine « sale ». En revanche, pour les personnes sensibles (allergies, peau fragile), se baigner dans une eau envahie d’algues n’est jamais une bonne idée. De toute façon, avec une invasion visible, on évite les baignades tant que le traitement n’est pas terminé.
Peut-on se contenter d’un robot pour gérer l’algue moutarde ?
Non. Un robot est un excellent allié pour l’entretien quotidien, mais face à l’algue moutarde il reste insuffisant. Sans traitement choc ni brossage manuel, le robot va surtout déplacer le problème.
Faut-il vider sa piscine ?
Dans la grande majorité des cas, non. Un protocole bien suivi suffit. On peut envisager une vidange partielle si l’eau est très chargée en stabilisant ou en métaux, mais ce n’est pas l’option numéro un.
Retrouver une eau cristalline : une histoire de patience et de régularité
L’algue moutarde a ce côté frustrant : elle ne se voit pas toujours venir, mais une fois installée, elle vous rappelle chaque matin qu’elle est toujours là. Pourtant, avec une approche méthodique, on en vient à bout.
Résumons l’essentiel :
- Bien l’identifier : poussière jaune qui revient vite, principalement au fond.
- Préparer le terrain : pH ajusté, brossage minutieux, filtre propre.
- Agir fort et juste : chlore choc adapté + anti-algues spécifique moutarde.
- Évacuer les débris : floculation si besoin, aspiration à l’égout, lavage du filtre.
- Prévenir la récidive : bon équilibre, bonne filtration, nettoyages réguliers.
Une piscine, c’est comme un jardin : si on l’observe un peu chaque jour, on repère vite les signes avant-coureurs. Un léger voile jauni au fond, une eau qui scintille un peu moins au soleil, un angle qui s’encrasse plus vite… Autant de petits signaux qui, pris à temps, vous évitent les grands combats.
Et entre nous, il y a peu de choses aussi satisfaisantes que de se baigner, un soir d’été, dans une eau parfaitement cristalline en se disant : « celle-là, l’algue moutarde ne me l’a pas volée ».


